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Appels
par Marion Aubert & Samuel Gallet

« Qu’est-ce que c’est, écrire pour le théâtre ? » J’ai pas compris la question. C’est la première phrase qui me vient. Ne pas y répondre à cette question. Jamais ! (Prétendre : « C’est ça mon rapport au théâtre : ne jamais répondre aux questions. ») En ce moment où La Récolte, par l’entremise de Simon, me pose cette question, je ne sais plus. J’avais plus de facilité à écrire du théâtre lorsque je ne me posais pas de questions. C’était alors très simple, le théâtre. Y avait des gens qui disaient des trucs à d’autres gens. Simple. Une situation initiale. Un élément perturbateur. Une situation finale. Aujourd’hui je n’ai plus ni fin ni milieu ni début. Je n’ai que des éléments perturbateurs. Je relis les consignes de Simon : « Il s’agit d’écrire un texte à quatre mains qui parle de / questionne votre rapport à l’écriture théâtrale. Ce texte peut prendre la suite, dialoguer, répondre, aux précédentes propositions, que je mets en copie de ce message. » Tu sais quoi, Simon ? On a des sales rapports. En ce moment, on a des sales rapports le théâtre et moi, Simon. On a rompu. C’est lui qu’est parti. On dit toujours que ça se fait à deux mais c’est lui. En plus il faudrait écrire un texte avec Samuel et j’écris toute seule.
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Nous, les taupes
Tribune libre de Magali Mougel & Pauline Peyrade

Ce qui revient avec le printemps, ou plutôt ce qui annonce l’arrivée du printemps, ou plutôt ce qui est le signe que les choses redémarrent, ou plutôt ce qui nous dit que la léthargie s’achève, ce ne sont pas les premiers perce-neige, les primevères ou les anémones sauvages fleurissantes.
Ce sont les mottes.
Partout. Dans les prés, les champs, les jardins. Par dizaines.
Les mottes de taupes.
On avait pensé s’en être débarrassées l’an dernier.
On avait pensé que l’hiver avait été suffisamment rude !
Et surtout on avait pensé que les dispositions prises l’année précédente nous en auraient enfin débarrassées de ces satanées taupes – pièges, poison, ratiers, explosifs –
mais elles sont toujours là.
Les taupes.
Sournoises (?).
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Pour le théâtre : une adresse aventureuse
Tribune libre de Claudine Galea & Mariette Navarro

Dans le numéro précédent de cette revue, les quatre auteurs du collectif Petrol se sont penchés avec sagacité sur la question de la langue, du texte « dans son écriture », de la position d’écrivain.e de théâtre.
Nous y revenons autrement, ici.
Il y a, depuis quelques années, une accélération, une montée en puissance des questionnements autour du rapport texte d’auteur.trice et création théâtrale.
Il est devenu nécessaire de préciser « d’auteur.trice » à la suite de « texte », ce qui n’était pas le cas il y a encore une ou deux décennies.
Quels malentendus se cachent derrière ce glissement ?
Nous voulons d’abord préciser qu’il ne s’agit pas d’entendre l’expression « texte d’auteur / texte d’autrice dans le sens d’une domination, qui irait à contre-sens de l’exercice de l’art.
Et nous préférerons utiliser le terme écrivain, écrivaine.
Parce que précisément écrire pour le théâtre, c’est écrire, c’est faire un geste de littérature.
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Écrire Petrol
Tribune libre du groupe Petrol

Je suis un.e auteur.trice. Je n’existe pas. Des écrits pour /par le théâtre. Des écrits écrits pour être dits / donnés à jouer.
Je suis une matière qui appartient au monde et qui le constitue, qui fournit une énergie à l’industrie humaine. Cette chose est faite de fossiles. Elle est faite du temps. Elle est sédiment du vivant.
Je suis un.e auteur.trice. Je n’existe pas. Je produis des textes destinés à être le carburant du théâtre de notre époque.
Je porte le nom d’une substance qui brûle.
Petrol.
Quatre voix qui en produisent une cinquième, inédite.
Petrol produit une langue qui n’est ni l’addition, ni la combinaison d’écritures singulières, elle est une langue autre.
Petrol ne fait pas partie de ceux qui jouent avec l’idée de la mort de l’auteur.
C’est l’écriture qui est au fondement de l’existence de Petrol.
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